Héros-Limite
2020
28 pages
125 x 190 mm
isbn 978-2-88955-042-5
Les sons lorsqu’ils s’étirent, peu à peu se modifient jusqu’à ce qu’ils ne se reconnaissent. Une dilatation extrême mène à la disparition.
Les rythmes deviennent indistincts, un vrombissement continu, une forme rendue vague par son éloignement. Des contours peuvent encore être discernés, presque rien, ce ne sont que des images qui naissent pour compenser le manque. Une résolution lacuneuse ici qu’on entrevoit cristalline au loin, plus près de la source.
Des nuances agiles dans le silence et d’autres sons plus incertains que les éclats d’une musique, perceptibles à une distance d’où tout peut tenir en petit. Ne reste des basses que la vibration des vitres, comme des scintillements parcourant le corps des usines.
Les récits que Baptistes Gaillard développe de livre en livre décrivent des scènes sans personnages, dans lesquelles seuls des processus anonymes adviennent : germination, pourrissement, mouvement des fluides, expansions, délitements. La blancheur du titre de ce nouveau texte fait songer à l’aveuglement qui précède l’évanouissement. Les phénomènes étudiés dans ce long poème sont situés à la limite du discernable. Quasi inaudibles, à peine visibles, furtifs, évanescents, ils se succèdent en s’annulant. Rien ne semble en résulter qu’un devenir incertain, dont la finalité reste indéchiffrable.
Ainsi Ombres blanches sur fond presque blanc ajoute-t-il un chapitre d’allure fantomatique à la description d’un monde insaisissable car livré à une incessante métamorphose. Le tour de force auquel se livre Baptiste Gaillard tient à sa capacité à faire exister ce monde tout en évitant soigneusement de le définir. Parvenant à suivre dans leurs plus subtiles nuances des phénomènes imperceptibles, l’auteur déploie, avec ce nouveau texte, toute la virtuosité dont est capable son écriture poétique.
(Hervé Laurent)
Autour de Ombres blanches sur fond presque blanc
- 3 questions à Baptiste Gaillard