Le Chemin de Lennie

Baptiste Gaillard, Le chemin de Lennie, Héros-Limite

Coédition Héros-Limite et HEAD – Genève
Collection: Courts lettrages
2013
140 x 215 mm
44 pages
isbn 978-2-940358-95-3

Le chemin de Lennie sur les site de Héros-Limite
Le chemin de Lennie sur le site de la HEAD-Genève

Présentation

Le Chemin de Lennie de Baptiste Gaillard se présente comme un long poème en prose déroulant une suite, quasi litanique dans sa forme répétitive, de phénomènes naturels dont jamais le cadre spatial ni l’ancrage temporel ne sont précisés. Une forme de vertige accompagne la lecture de cette chronique discontinue qui prend des allures d’Histoire de l’éternité naturelle, pour paraphraser le beau titre d’un livre de Borges. La dynamique du vivant ne fait ici l’objet d’aucune théorie évolutionniste, ni d’aucun jugement de valeur; elle est plutôt racontée sur le mode de la hantise: la prédation, la mort, le pourrissement, la prolifération aveugle, rythment la cadence des métamorphoses par lesquelles le vivant obéit à son inexorable objectif d’expansion.

L’écriture de Baptiste Gaillard épouse la forme cyclique des phénomènes qu’elle décrit. La répétition, la reprise, amènent à chaque fois une précision supplémentaire, s’attardent sur un aspect ignoré par les narrations antérieures, déplient une dimension négligée d’un processus de développement. De manière symptomatique, le texte est ponctué de «il y a», cette forme lourde que le Maître ou la Maîtresse nous apprend à bannir des premières rédactions écrites à l’école et qui revient pourtant ici naturellement sous la plume: «Il y a», c’est le constat, l’incontournable réalité qui est donnée dans sa brutalité, énumérée, grossièrement détaillée. «Il y a», c’est le contraire du «Il était une fois», cette formule par laquelle s’ouvre l’espace enchanté du conte, la garantie d’une histoire avec des personnages, bons ou méchants, et une fin, heureuse ou malheureuse, peu importe, mais une fin. Alors qu’avec le «Il y a», c’est comme si le récit se condamnait à la réitération, à l’anonymat des protagonistes, à l’absence de terme. Le chemin de Lennie, est un chemin étroit, c’est celui du langage lorsqu’il se risque à s’approcher au plus près du vivant sans rien cacher de la menace, de la force incontrôlable, de la dynamique impitoyable qui le caractérisent. Et le cheminement suivi, dans ce cas précis, n’offre pas de point de vue à partir duquel se dégagerait une vue d’ensemble, n’opère pas dans la distance, refuse l’imitation; il louvoie, il s’insinue, il s’enfonce ou fait mine de s’enfoncer in media res, au cœur des choses.

Y a-t-il une idée de la boue? demande Platon dans un dialogue où il laisse deviner la fragilité de la position idéaliste. On pourrait ajouter Et si oui, quel langage peut la dire? Le livre de Baptiste Gaillard apporte de précieux éléments de réponse à cette dernière question qui est aussi, est-il besoin de le rappeler, un défi auquel ne peut se dérober l’écriture poétique.

(Hervé Laurent)

Extrait

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Autour du livre

Article de Samuel Rochery
Soirée au Centre international de poésie de Marseille
Extrait du Chemin de Lennie dans la Revue des Belles Lettres – 2012, 2